Mouvement mondial d’imagination citoyenne et d’innovation ouverte dans nos Fab Labs

 

Un article de Marc-Olivier Ducharme et Hélène Brown pour la Revue Argus, printemps 2013.

Neil GershenfeldAu début des années 2000, Neil Gershenfeld, professeur au Center for Bits and atoms du MIT, ouvrait son laboratoire à l’ensemble des étudiants de son établissement dans le cadre du cours « How To Make (Almost) Anything ». Ce cours est le fondement du réseau international des Fab Labs (Fabrication Laboratory) qui compte aujourd’hui plus de 150 lieux répartis sur cinq continents. Dès sa naissance, ce mouvement planétaire a profité d’une conjoncture particulière qui permet aux simples citoyens d’avoir accès à des machines-outils, auparavant réservées aux scientifiques, aux firmes industrielles et aux centres de recherche. Ce mouvement tire aussi profit de la popularité incroyable du phénomène DIY (Do-It-Yourself) ou faites-le vous-même, qui se nourrit des idées et du savoir-faire de millions de personnes actives et créatives sur la toile.

Afin de mettre en perspective l’évolution de ce réseau, soulignons l’intention nombreux citoyens curieux de démystifier le monde technologique et numérique qui nous entoure. Les Fab Labs sont des espaces permettant d’expérimenter sans attentes de résultats. Il y est donc possible de participer au développement technologique et d’y faire de la rétro conception (reverse engineering), ou encore, de comprendre les principes qui sous-tendent ces objets numériques qui nous entourent.

Les Fab Labs : mise en commun des ressources, des connaissances et des idées pour apprendre, créer et innover

Espaces d’échange de connaissances collaboratifs, les Fab Labs favorisent la circulation du savoir par les pairs et par la documentation ouverte et accessible. Ces laboratoires citoyens collectivisent un ensemble de machines-outils et mettent en relation des gens de tous les horizons. Il s’y développe une communauté d’apprentissage riche grâce à la diversité des pratiques, des ressources matérielles et des connaissances. Ces machines (Fraiseuse numérique, imprimante 3d, etc.), souvent déjà existantes dans nos institutions scolaires ou dans des centres de production artistique sont mises au profit de l’imagination citoyenne. Elles permettent la production décentralisée à partir de designs partagés sur des plateformes web.

À titre d’exemple, un designer marocain peut ainsi partager sa création, choisir une licence de partage ouverte et permettre a un citoyen de Montréal de produire cet objet dans un Fab Lab près de chez lui. Non seulement l’objet peut-être reproduit, mais il peut être modifié, amélioré et personnalisé, pour être de nouveau redonné à la communauté.

Est-ce que les Fab labs se limitent seulement à la création d’objets physiques?

ÉchoFab à Montréal

En fait, certains y produisent d’élégantes lignes de code pour des applications téléphoniques, d’autres travaillent sur le développement de nouvelles machines ou d’automates, d’autres encore créent des œuvres artistiques, explorent de nouvelles formes de techniques culinaires ou inventent une prothèse pour ces leurs propres besoins en santé. Chaque Fab Lab a sa saveur locale avec son lot d’équipement, son espace, sa culture locale et son propre modèle d’affaires et de gouvernance. Certains laboratoires sont munis de résidences et, se connectent par télé-présence pour permettre l’échange de savoir des pairs provenant de régions éloignées ou d’un autre pays ou encore d’un autre Fab Labs du réseau planétaire.

Comment s’assurer que cet esprit de partage soit honoré?

Sur la porte de chaque espace est affichée la charte des Fab Labs décrivant cette philosophie et stipulant ses règles du jeu.

Les Fab Labs permettent à une communauté de se rassembler autour de la technologie avec pour seul véritable objectif la création et le partage des savoirs. Tous peuvent expérimenter avec des technologies qui nous semblent pratiquement inaccessibles, c’est l’avènement d’un nouveau monde industriel porté par les citoyens dans leurs Fab Labs.

En privilégiant ainsi le partage d’information et en valorisant le savoir de tous, une forme différente d’apprentissage collaboratif s’y développe. La contribution de la communauté est valorisée et encouragée. Il s’agit peut-être là d’un remède à l’apparence d’individualisme qui est souvent souligné dans nos sociétés modernes.

Depuis 2011, le mouvement a atterri à Montréal. Fab Labs Québec, un groupe d’échange et de réflexion a vu le jour afin de soutenir ces efforts, rassembler les les gens motivés par la création de Fab Labs et se doter d’une voix commune auprès de la communauté internationale.

Suite à une réflexion sur les espaces citoyens d’appropriation technologique, l’organisme Communautique a fondé échoFab, premier Fab Lab canadien reconnu par le MIT et membre de l’Association internationale des Fab Labs. Riche de l’apport d’une centaine d’utilisateurs à ce jour, ce laboratoire a vu naître en son sein quelques inventions, à titre d’exemple : un nouveau modèle d’imprimante 3D libre de droits (open source) baptisé échoRap et Arduiflo, un système d’irrigation automatisé adapté aux besoins des agriculteurs urbains. Deux jours par semaine, on y accueille des bidouilleurs de tous les horizons et de tous âges (designer, inventeurs, entrepreneurs, artistes, retraités, étudiants, etc.) qui viennent pour appendre et travailler sur des projets collectifs et individuels.

Au moment d’écrire ces lignes, un second Fab Lab est en démarrage au Saguenay et plusieurs autres projets sont en cours dans d’autres régions québécoises. Bien que le mouvement global semble s’implanter actuellement au Québec, il reste marginal dans le reste du Canada. Les laboratoires québécois entretiennent donc des liens importants avec leurs contreparties américaines et européennes.

Choc pour certains, promesse d’une nouvelle économie créative et collaborative pour d’autres, certes, un mouvement mondial d’espaces d’échange de connaissances et de fabrication numérique collaboratif est bien présent. Une nouvelle révolution est-elle à nos portes?

Auteurs : Marc-Olivier Ducharme et Hélène Brown pour la Revue Argus, printemps 2013.

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